Les premiers solides du système solaire créés en moins de six jours
Une équipe de chercheurs du Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CRPG/CNRS/Université de Lorraine), de l'Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (IMPMC/CNRS/MNHN) et de l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP/Université de Paris/CNRS) révèle dans une étude publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences que les premiers solides du Système solaire se sont formés probablement en moins de six jours.
Les météorites primitives, ou chondrites, sont des témoins des premiers millions d’années de notre Système solaire, lorsque le jeune Soleil était environné d’un disque de gaz et de poussière, le disque protoplanétaire. Elles sont les vestiges des blocs de construction des planètes telluriques. On trouve en leur sein les plus anciens solides du Système solaire, les inclusions réfractaires, des objets de taille millimétrique et de forme irrégulière. Elles sont appelées ainsi car, selon les modèles thermodynamiques, elles se sont se former à très hautes températures (> 1300°C) lors du refroidissement du disque protoplanétaire. Leur âge détermine celui de notre Soleil, soit 4,567 milliards d’années.
Le temps de condensation des inclusions réfractaires n'était en revanche pas connu précisément jusqu'à aujourd'hui. Les datations basées sur des isotopes radioactifs (uranium 235, uranium 238, aluminium 26) suggérait une durée de formation limitée de quelques centaines de milliers d'années. Cette durée pouvait accréditer l’idée d’une condensation très lente lors du refroidissement du disque protoplanétaire mais ne donnait pas réellement d'information sur la durée de formation d'un solide individuel. En outre, pour la plupart des inclusions réfractaires, l'information était brouillée par des épisodes de fusion ultérieurs, rendant impossible la détermination des durées de condensation des premiers solides du Système solaire.
Cette nouvelle étude se focalise sur des condensats peu étudiés, les agrégats amiboïdes à olivine (AOA pour l’anglais Amoeboid Olivine Aggregates). Ces témoins de la condensation de l'olivine, le minéral le plus abondant des chondrites, ont largement échappé aux processus de fusion subis par les autres inclusions réfractaires. La détermination de leur composition isotopique en silicium grâce à la sonde ionique du CRPG à Nancy montre des enrichissements en isotopes légers jusqu'à 5 ‰/u. Un tel fractionnement isotopique n'est possible que lorsque le temps de refroidissement des AOAs est plus court que le temps de condensation : une durée estimée entre une journée et une semaine. Les AOAs, et probablement les autres inclusions réfractaires, se sont donc condensés chacun extrêmement rapidement en seulement quelques jours.
Cette durée est très courte par rapport au temps de refroidissement global du disque protoplanétaire (quelques centaines de milliers, voire millions d’années), mais aussi aux temps de transport de solides individuels des régions chaudes aux régions froides du disque. Il faut donc envisager des augmentations et diminutions localisées de température, comme certains modèles de turbulence du disque le suggèrent. La matière primordiale du disque protoplanétaire aurait ainsi connu des cycles d’évaporation/recondensation, d’où auraient émergé les condensats, qui auraient rapidement formé des agrégats, incorporés en quelques millions d’années dans des astéroïdes. Ainsi, il y a 4.567 milliards d’années, les plus anciens solides du système solaire se sont formés presque instantanément.
En savoir plus :
Y. Marrocchi, J. Villeneuve, E. Jacquet, M. Piralla & M. Chaussidon, Rapid condensation of the first Solar System solids, Proceedings of the National Academy of Sciences, Nov. 2019, 116 (47) 23461-23466, doi : 10.1073/pnas.1912479116
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