Zoom Science-Novembre/Décembre 2010
Graphène : de la théorie à la fabrication
Matériau
d’avenir, le graphène fait l’objet de nombreuses recherches. Il est
entre autres thématiques, étudié à l’Institut de minéralogie et de
physique des milieux condensés (IMPMC), ainsi qu’à l’Institut des
Nanosciences de Paris (INSP). Ce sujet a amené les deux entités à
travailler ensemble, avec la participation du Laboratoire de Photonique
et de Nanostructures (LPN). Tandis que le premier laboratoire a effectué
un travail remarqué sur la théorie de la spectroscopie Raman et a
déposé un brevet sur la fabrication du graphène, le second a contribué à
cette collaboration en apportant ses compétences en salle blanche, en
microscopie de champ proche, ainsi que son expertise synchrotron. Le
dernier a quant à lui, mis en forme le matériau sur un substrat
original.
Cette année, le prix Nobel de Physique a
été attribué à A. Geim et K. Novoselov pour la découverte du graphène,
une couche monoatomique de carbone aux propriétés électroniques et
mécaniques remarquables. Un prix Nobel pour un matériau sur lequel on
travaille seulement depuis quelques années, souligne son impact
scientifique.
L’intérêt de ce matériau se trouve autant dans les
expériences fondamentales (l’effet Hall quantique par exemple), que dans
le domaine des applications (micro et nanoélectronique). Sa structure
est un plan de nids d’abeille où le coin de chaque hexagone est occupé
par un atome de carbone. Le graphène est un semi-métal, c’est à dire que
s’il n’y a pas de bande interdite correspondant à une gamme d’énergie
prohibée pour les électrons comme dans les semi-conducteurs, il n’y a
pas non plus pléthore d’électrons libres, comme dans les métaux. Le
graphène se situe donc entre les deux. Mais parmi les qualités qui en
font une ’star’ indiscutable, il y a la haute mobilité de ses porteurs
de charge, une manne pour les dispositifs haute fréquence. Une autre
qualité est sa résistance mécanique élevée, permettant d’imaginer des
applications en tant que conducteur transparent sur support flexible
dans de futurs écrans. Par ailleurs, le comportement des porteurs de
charge (électrons ou trous) est très particulier. Dans le nid d’abeille
de carbone, ils se déplacent comme le feraient des photons : à une
vitesse cent fois moindre bien évidemment, malgré la haute mobilité,
mais comme des particules sans masse au repos, permettant un grand
nombre d’expériences de physique fondamentale.
Des travaux
pionniers ont été accomplis dans l’équipe ’Théorie Quantique des
Matériaux’ de l’IMPMC, notamment un travail fondamental concernant
l’interprétation de la spectroscopie Raman [1] du graphène, devenue
depuis, la méthode de choix pour sa caractérisation en nombre de couches
et en dopage.
A l’IMPMC toujours, l’équipe ’Matériaux Avancés’ a
développé une nouvelle technique [2] pour fabriquer du graphène (Brevet
WO 2009/074755). Cette équipe a aussi mis au point des dispositifs du
type transistor à effet de champ et caractérisé le matériau avec des
mesures de spectroscopie Raman (Fig.1) et de conductivité [3]. Cette
méthode de fabrication permet d’obtenir d’autres matériaux parfaitement
bidimensionnels et ouvre un nouveau champ de recherche lié à
l’investigation et à la modulation de leurs propriétés physiques.
La
collaboration avec l’INSP a permis de sonder et de manipuler les
propriétés à l’échelle d’un seul feuillet du graphène. Les mesures d’AFM
et de STM ont été effectuées sur des zones microscopiques,
préalablement sondées par spectroscopie Raman (détermination du nombre
de couches) et ont permis d’étudier les caractéristiques propres au
graphène mono et bi-couche (fig. 2). Les techniques lithographiques de
salle blanche ont été utilisées pour la réalisation des dispositifs de
type transistor à effet de champ (fig.3) permettant de doper le graphène
en électrons ou en trous.
Finalement, le LPN a adapté la
croissance du graphène sur des substrats de silicium terminés par une
couche mince de SiC [4,5]. Ceci permettrait de rendre cette technique de
croissance industriellement viable. Préalablement étudié par
spectroscopie Raman à l’IMPMC, le graphène épitaxié sur le Silicium
montre la singularité caractéristique de sa structure de bande
électronique (Fig. 4) [6]. Ces mesures de photoémission résolue
angulairement ont été obtenues en collaboration avec les chercheurs de
l’INSP sur la ligne TEMPO à SOLEIL.
Ce consortium parisien a su
nouer des collaborations constructives autour du graphène produit par
deux méthodes originales et complémentaires : par exfoliation (IMPMC) et
par épitaxie sur un substrat de silicium (LPN). L’enjeu sera de suivre
cette voie, mais aussi d’aller au delà du graphène avec d’autres
matériaux bidimensionnels. A suivre…
1) « Raman Spectrum of
Graphene and Graphene Layers », A. C. Ferrari, J. C. Meyer, V. Scardaci,
C. Casiraghi, M. Lazzeri, F. Mauri, S. Piscanec, D. Jiang, K. S.
Novoselov, S. Roth, and A. K. Geim, Physical Review Letters 97, 187401
(2006)
2) ’’Graphene made easy : large area, high quality samples’’,
A. Shukla, Rakesh Kumar, Javed Mazher and Adrian Balan, Solid State
Communications 149, 718, (2009)
3) « Anodic bonded graphene » A.
Balan, R. Kumar, M. Boukhicha, O. Beyssac, JC. Boulliard, D. Taverna, W.
Sacks, M. Marangolo, E. Lacaze, R. Gohier, W. Escoffier, JM. Poumirol,
Abhay Shukla, J. Phys. D- Applied Physics 43, 374013 (2010)
4) «
Epitaxial graphene on 3C-SiC(111) pseudosubstrate » Ouerghi A, Marangolo
M, Belkhou R, El Moussaoui S, Silly MG, Eddrief M, Largeau L, Portail
M, Fain B, Sirotti F , Phys. Rev. B 82, 125445 (2010)
5) « Epitaxial
graphene on cubic SiC(111)/Si(111) substrate » Ouerghi A, Kahouli A,
Lucot D, Portail M, Travers L, Gierak J, Penuelas J, Jegou P, Shukla A,
Chassagne T, Zielinski M , Appl. Phys. Lett. 96, 191910 (2010)
6) «
Structural coherency of epitaxial graphene on 3C–SiC(111) epilayers on
Si(111) », A. Ouerghi, R. Belkhou, M. Marangolo, M. G. Silly, S. El
Moussaoui, M. Eddrief, L. Largeau, M. Portail, and F. Sirotti, Appl.
Phys. Lett. 97, 161905 (2010)
Pour en savoir plus
Figure 1
(a)
Image de microscopie optique d’une monocouche de graphène entourée
d’une bicouche. (b) carte Raman d’une partie de la couche de la
figure1a.(c) Spectres Raman caractéristiques (ligne G et 2D) d’une
monocouche et d’une bicouche
Figure 2
(a)
Microscopie optique d'un échantillon de graphène utilisé pour les
microscopies AFM et STM. (b) Image AFM d'une partie de cet échantillon,
au niveau du rectangle rouge de (a). L'épaisseur de la marche par
rapport au substrat est de 1.2nm et correspond à une bicouche. (c) Une
monocouche de graphène visualisée par STM présente la structure en nid
d'abeille. Dans l'insert, on visualise le profil effectué le long de la
ligne blanche.
Figure 3
Resistance en fonction de la tension de grille (? ??) pour le dispositif présenté en insert
Figure 4
Structure
de bande obtenue par ARPES d'une monocouche de graphène sur un
pseudo-substrat de 3C-SiC111 sur silicium. (Ligne Tempo, Soleil)
Contacts :
IMPMC :
Equipe « Théorie Quantique des Matériaux » : Francesco Mauri
Equipe « Matériaux Avancés » : Abhay Shukla
INSP :
Emmanuelle Lacaze
Massimiliano Marangolo
Mahmoud Eddrief
Salle blanche : Roger Gohier
LPN :
Abdelkarim Ouerghi
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