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Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie
UMR 7590 - Sorbonne Université/CNRS/MNHN/IRD

Zoom Science-Octobre 2010

Du vivant de 230 Millions d’années dans des roches métamorphiques ?

 

Bernard S., Benzerara K., Beyssac O., Brown Jr. GE.


Associé à un enfouissement profond, le métamorphisme* dégrade les signatures du vivant et efface toute indication sur l’origine biologique des fossiles. Pourtant, dans le massif de la Vanoise, des fossiles ont été remarquablement préservés. Dans une publication récente, l’équipe « géomicrobiologie» de l’Institut de minéralogie et de physique des milieux condensés (IMPMC) nous éclaire sur la façon dont des tissus biologiques de végétaux fossilisés vieux de 230 Ma ont pu survivre à une forte pression et température.
    

Les fossiles fournissent depuis plusieurs siècles, une source inestimable d’informations sur l’histoire de la vie au cours des temps géologiques. De nombreux gisements favorables à la préservation de ces traces de vie ont été répertoriés ; il s’agit presque exclusivement de roches sédimentaires qui n’ont jamais subi de transformations importantes liées à un enfouissement profond. Il est ainsi traditionnellement admis, que le métamorphisme associé à un enfouissement en profondeur dégrade les signatures du vivant et efface toute indication de l'origine biologique des fossiles. Mais l’équipe « géomicrobiologie » de l’Institut de minéralogie et de physique de la matière condensé bouscule ce présupposé !

En effet, ces chercheurs, viennent de caractériser des tissus vasculaires de végétaux supérieurs fossilisés, préservés dans des roches métamorphiques, correspondant à d’anciens dépôts lacustres vieux de 230 Ma (fin du Trias). Ces objets, échantillonnés dans le massif de la Vanoise (Alpes occidentales) ont été remarquablement conservés malgré l’importante profondeur à laquelle ils ont été enfouis lors de la formation des Alpes (près de 40 kilomètres de profondeur) et à laquelle ils ont subi une pression de 14 kbars et une température de 360°C.

Les scientifiques se sont donc attachés à comprendre comment des fossiles ont pu être aussi remarquablement bien préservés malgré une telle température et une telle pression.

 

 Figure 1 : (A) Photographie d’une concrétion carbonate de Vanoise. (B) Microphotographie en lumière réfléchie d’une spore fossile en partie minéralisée par des carbonates. (C) Microphotographie en lumière transmise d’une section de tissus vasculaires fossiles en partie minéralisés par des carbonates. (D) Microphotographie en lumière réfléchie d’une section de tissus vasculaires fossiles en partie minéralisés par des sulfures.

 

Pour cela, ils ont eu recours à la microspectroscopie Raman, la microscopie électronique par transmission et à la spectromicroscopie X utilisant le rayonnement synchrotron (STXM).

 

Ainsi, ils ont caractérisé des tissus vasculaires fossiles (conduisant la sève chez les végétaux) fossilisés par de la pyrite. Différentes phases minérales associées à ces tissus fossiles ont pu être mises en évidence : des sulfures de fer tels que la pyrite et la pyrrhotite, des carbonates de calcium (calcite) ou des carbonates de fer, calcium et magnésium (ankérite), et enfin des oxydes de fer (maghémite). La matière organique constituant une importante part de ces tissus fossiles apparaît chimiquement et structuralement homogène et contient principalement des groupements chimiques de type aromatique. L’origine de cette matière organique graphitique est difficile à déterminer avec certitude ; elle pourrait en effet, soit résulter de la graphitisation des biomolécules originellement constitutives des parois des tissus vasculaires fossiles, soit être issue du remplacement de ces biomolécules originelles par de nouveaux polymères organiques formés par des réactions de dégradation microbienne survenues au tout début de l’enfouissement des végétaux qui a eu lieu après leur mort.

 

Malgré la complexité de l’histoire subie par ces fossiles (enfouissement, dégradation précoce en proche-surface ou diagénétique puis dégradation métamorphique), les chercheurs de l’IMPMC ont pu déconvoluer l’histoire diagénétique, de l’histoire métamorphique de ces tissus vasculaires fossiles (Figure 2).

 

En particulier, leurs observations suggèrent que le milieu de dépôt de ces métasédiments était particulièrement riche en fer, ce qui a favorisé la précipitation de pyrites et d’ankérite sous l’action de différents microorganismes pouvant oxyder la matière organique et réduire les sulfates en sulfures. Ces minéraux ont d’une part, fossilisé de manière durable certaines structures biologiques autrement très labiles et d’autre part, réagi pendant le métamorphisme avec le carbone organique des tissus végétaux formant ainsi de nouvelles phases organiques et minérales. La résistance mécanique à la compression conférée aux tissus vasculaires fossiles par ces minéraux, a très probablement été le paramètre qui a permis la préservation exceptionnelle de ces fossiles organiques au cours de leur enfouissement jusqu’à 40 kilomètres de profondeur.

 

            Au final, cette étude précise l’ensemble des transformations pouvant affecter la matière organique biologique lorsqu’elle est enfouie profondément dans la Terre. Elle ouvre, d’une part, une fenêtre sur le début du trajet suivi par le carbone vers les profondeurs de la Terre, et, d’autre part, elle remet en question la croyance de l’effet délétère du métamorphisme sur les traces de vie fossiles dans les roches. Ce travail allonge par conséquent significativement, la liste des gisements où peuvent être recherchées des traces de vie ancienne sur Terre. Il est ainsi permis d’imaginer que de nombreux fossiles attendent encore, protégés, dans des sites dont le potentiel paléontologique a été jusqu’ici sous-estimé !

 

 

Source : Bernard S., Benzerara K., Beyssac O., Brown Jr. GE. 2010. Multiscale characterization of pyritized plant tissues in blueschist facies metamorphic rocks, Geochimica et Cosmochimica Acta 74, 5054-5068.

 

Figure 2 : Représentation schématique à différentes échelles de l’histoire diagénétique et métamorphique des échantillons de Vanoise. (1) Incorporation de  spores végétales et de tissus vasculaires au sein de sédiments riches en Fer. (2) Diagenèse précoce : précipitation d’oxydes de fer et de carbonates et pyritisation des tissues vasculaires sous l’influence de l’activité de bactéries sulfato-réductrices. Des géopolymères se forment par recondensation abiotiques de molécules organiques labiles issues de la dégradation de biopolymères. (3) Croissance de la concrétion par précipitation de calcite microcristalline. Fracturation de la concrétion et précipitation de pyrite au sein de ces fractures. Dégradation diagénétique de la sporopollénine, le biopolymère constituant la paroi des spores. (4) Métamorphisme: dégradation thermique de la sporopollénine et des géopolymères constituant les parois des tissus vasculaires et formation de pyrrhotite à partir de pyrite et d’une première génération de magnétites. (5) Formation d’une seconde génération de magnétites à partir de pyrrhotite sous l’effet catalytique de la dégradation métamorphique des molécules organiques.

 

*Le métamorphisme se produit à l'intérieur du globe terrestre et explique en partie les modifications structurales, minéralogiques et chimiques d'une roche lorsque celle-ci est soumise à des conditions physico-chimiques (essentiellement pression et température) différentes de celle de sa formation. Le métamorphisme se situe entre les processus sédimentaires (faible pression/faible température) et magmatique.

 

17/02/16

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