Zoom Science-Avril 2011
Ce que le cérium révèle sous la pression !
Résumé : Une des plus spectaculaires transitions de phase entre deux solides a été détectée dans le cérium par P. Bridgman en 1930 : dans ce composé, une transformation brutale survient à 300 K et 0.75 GPa (7500 atmosphères) et induit une variation de volume du solide de près de 15% du cristal sans aucun changement de structure. Cependant, les outils actuels les plus sophistiqués ne permettent toujours pas de discuter l’origine de ce phénomène. Dans une publication récente [2], l’équipe « Physique des Milieux Denses», de l’IMPMC, apporte un éclairage essentiel sur la cinétique et le mécanisme de cette transition ; informations qui permettent aujourd’hui, de mieux comprendre les propriétés mécaniques atypiques de ce composé. Un petit pas supplémentaire en physique des matériaux !
En 2009, l’équipe « Physique des Milieux Denses » [1] de l’IMPMC, étudie les propriétés élastiques du cérium et montre que la variation de volume lors de la transition de phase est provoquée par une anomalie mécanique : plus on comprime un solide de cérium, plus il devient compressible, comportement jamais reporté dans aucun autre élément pur.
Mais quel phénomène physique est la cause de cette singularité du cérium, et quelles conséquences cela implique-t-il ? En guise de réponse, la même équipe a déterminé le premier diagramme de phase hors-équilibre d’un bloc monocristallin de cérium. Ces scientifiques ont apporté des informations essentielles sur la cinétique et le mécanisme de cette transition.
Sur le plan expérimental, les chercheurs de l’IMPMC ont réalisé à l’ESRF, des mesures de diffraction de rayons X sur un monocristal de cérium, échantillon unique au monde prêté par le Lawrence Livermore National Laboratory.
Les résultats obtenus, publiés récemment dans Physical Review Letters [2], ont mis en évidence l’existence d’un comportement du solide de cérium (au voisinage de la transition) fortement contre-intuitif :
• Le mécanisme de transformation de phase s'apparente ici à une transition displacive du premier ordre, phénomène jamais observé dans un solide. Ainsi, un solide de cérium est capable de préserver sa configuration monocristalline après transition vers sa phase haute pression et ce malgré une variation de volume de plus de 15%.
• Il existe sous pression un solide de cérium composé de deux monocristaux non-maclés (phase et volume différents) en coexistence. Autrement dit, pour certaines conditions de pression et température, le solide de cérium est constitué de deux monocristaux, orientés selon les mêmes directions, avec la même structure cristallographique mais avec une forte différence de volume entre eux (encadré de la figure ci-dessous) : une première en cristallographie !
• Le diagramme de Clapeyron (p,V) du cérium, qui représente les relations entre la pression thermodynamique à laquelle l’échantillon est soumis et son volume (voir figure), présente de fortes analogies avec la transition liquide-gaz : les volumes d'équilibre de chaque phase tendent vers une valeur identique jusqu'à une température de 460 K, température critique où les phases du cérium ne sont plus discernables. Au-delà de ce point critique (associé à un exposant critique de type champ moyen) la transition se prolonge en une transition du second ordre.
Ce travail sur le cérium représente un pas considérable dans la compréhension du mécanisme impliqué dans cette transformation, et de manière plus générale dans les transformations générées par des phénomènes de localisation-délocalisation des électrons f, comme dans le plutonium par exemple. Les chercheurs de l’IMPMC ont désormais choisi de s’intéresser aux propriétés des verres métalliques à base de cérium, métaux pour lesquels la délocalisation de l’électron f du cérium pourrait être à l’origine de leurs propriétés mécanique exceptionnelles dont les applications technologiques sont prometteuses*.
*L'idée est que ces composés sont les premiers métaux que l'on pourrait déformer plastiquement "à la main" pour des températures à peine supérieures à la température ambiante.
[1] F. Decremps et al, Phys. Rev. B 80, 132103 (2009)
[2] F. Decremps et al, Phys. Rev. Lett. 106, 65701 (2011)
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