Zoom Science-Mai 2011
L’eau sous pression : une recherche qui ne manque pas de sel !
Résumé : Dans une nouvelle étude, l’équipe Physique des Milieux Denses de l’IMPMC a observé pour la première fois, le phénomène du polyamorphisme dans un liquide moléculaire autre que l’eau pure, c'est-à-dire dans l’eau salée. Une recherche qui pourra avoir des répercussions en sciences de l’Univers, et en cryobiologie, notamment.
L’eau à l’état naturel contient toujours des quantités significatives d’espèces ioniques dissoutes ; la plupart des processus chimiques et biologiques qui s’y produisent dépendent très fortement de la présence de ces ions.
Les ions jouent notamment un rôle crucial dans l’activité des membranes cellulaires, les échanges d’eau par osmose et la neurotransmission des signaux. La capacité de certaines espèces extrêmophiles* de maintenir l’eau dans un état surfondu par la dissolution d’ions offre des applications importantes pour la cryo-préservation des organes et des tissus. De plus, l’étude des phénomènes d’hydratation des ions a un intérêt primordial dans les processus de purification électrochimiques et pour les sciences de l’environnement.
De telles perspectives poussent les chercheurs à mieux comprendre ces phénomènes dans le milieu aqueux. C’est le cas, entre autres, à l’IMPMC, dont une des équipes a montré dans le passé (S. Klotz, L. E. Bove, T. Strassle, T. C .Hansen, and A. M. Saitta, Nature Materials 8, 405 (2009)), que les glaces cristallines de haute densité peuvent incorporer dans leur structure, des quantités significatives de sels ioniques de petite taille.
On constate que la présence de sel augmente le désordre orientationnel des molécules d’eau, ce qui favorise la stabilisation de phases amorphes. Par conséquent, les solutions aqueuses représentent un cas d’école pour tester le polyamorphisme, c’est-à-dire, la coexistence d’états amorphes distincts caractérisés par une densité et une structure différente et une transition de phase du premier ordre entre eux.
Le phénomène du polyamorphisme a été observé dans le phosphore, dans des matériaux vitreux et dans l’eau pure, mais sa nature et ses mécanismes thermodynamiques restent toujours très débattus et controversés.
Dans une nouvelle étude (L.E. Bove, S. Klotz, J. Philippe et A.M. Saitta, Phys. Rev. Lett. 106, 125701 (2011)), combinant à la fois des simulations de dynamique moléculaire et des mesures de diffusion des neutrons sous pression, l’équipe Physique des Milieux Denses a pu montrer les modifications de l’arrangement local des molécules d’eau autour des ions, suite aux changements des paramètres thermodynamiques (pression et température), démontrant ainsi l’existence d’une transition de phase réversible entre deux états amorphes, à haute et à très-haute densité respectivement, d’une solution d’eau et chlorure de lithium. La transition polyamorphique dans ce système est favorisée par la présence des ions, et est liée à la modification de la coordinence des molécules d’eau autour de l’ion lithium suite à l’application de la pression. avant (gauche) et après (droite) la transition HDA-VHDA sous compression isotherme à 140 K.
Ceci est la première observation du phénomène du polyamorphisme dans un liquide moléculaire autre que l’eau pure, ce qui a un impact important dans des domaines allant des sciences de l’Univers, pour la modélisation des satellites de planètes géantes contenant dans leurs profondeurs des océans d’eau salée, à la cryobiologie, pour les techniques de conservation d’échantillons biologiques.
* Un organisme est dit extrêmophile lorsque ses conditions de vie normales sont mortelles pour la plupart des autres organismes : températures proches ou supérieures à 100 °C (hyperthermophiles) ou inférieures à 0 °C (psychrophiles), pressions exceptionnelles (grands fonds marins), milieux très chargés en sel (halophiles), milieux très acides ou hyper-alcalins, milieux radioactifs ou anoxique (sans oxygène) ou non-éclairé.
Figure : Diagramme de phase suggéré pour l'eau salée, avec les chemins thermodynamiques suivis dans notre étude. Les images montrent les configurations locales les plus fréquentes autour d'un ion de Li avant (gauche) et après (droite) la transition HDA-VHDA sous compression isotherme à 140 K.
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